Visualizzazioni totali

martedì 18 febbraio 2014

Récit (Jabès)

1 Il et son féminin Ile.

2 Il n’existe pas Il est l´île.
Seul l’océan existe.

3 Regarde avec quelle violence, parfois,
la mer s’acharne sur son absence
plus dure que le roc.
Vagues, monstres en délire, ô chant !

4 L’île fut autrefois le manque, le trou,
l’oubli.
Comment cela s’est-il produit ?
Un vide comblé avec des pierres,
au milieu des ondes.

5 La terre est plus haute que la mer
et plus profonde ;
mais il arrive que l’eau se venge de
son humiliation.

6 L’île demeure où, autour d’elle, tout bouge,
bondit, tremble.

7 Stable. Solitaire.

8 Indélogeable présence.
Inviolable absence.
Laquelle emportera
Sur l’autre ?

9 La voile ignore sa rivale.

10 La mort est sans remords.

11 Qui dira qu’il est venu ?
– A qui ?

12 …et son féminin l’île si exposée, si
déterminée.

13 Il y a longtemps qu’il erre. Un jour
il passera, peut-être, par ce pays.

14 …un jour, comme une île jumelle
au-dessus de l’île.
Translucide, émancipée.

15 Toutes chances
réunies.

16 Le soleil est à l’abri de ses rayons.

(Ronde plénitude.
Intense clarté.)

17 Il n’a pas dit pourquoi il était parti
ni quand il reviendrait.
Il n’a rien dit
ou presque…

18 Son féminin Ile, de son côté, ne
rompra plus le silence ;
car une fois…

19 Depuis cette fois-là, elle espère.
En silence.

20 Il n’a pas dit pourquoi il a été
contraint de partit.
Inexplicable est restée la cause.

21 Aucune parole ne précède les vrais
départs.
Seule une parole d’avenir les
accompagne.

22 A son sujet,
tout ce que l’on pourrait mentionner
est, qu’un jour, il partit
de chez lui.

23 Son féminin Ile, on le voit, n’avait
pas le choix.

24 Résister à la permanente menace
environnante.
Qui peut prétendre que c’était un
choix délibéré ?

25 Repliée sur soi-même
– elle en est sûre –
à certains moments
elle voulait mourir.

26 Cela ne saurait s’appeler une
certitude :
Un morbide désir de disparaître,
plutôt.

27 (Il ne peut y avoir de certitude
face à tant de brumes amoncelées ;
vastes étendues, compactes,
fantomatiques.)

28 Il n’existe pas. Il est l’île.
L’épreuve, l’intervalle persistent.

29 Cela s’est déroulé, sans doute, de la
sorte.
Le temps d’un éclair ;
d’une improvisation.

30 Une amnésique instant d’insolence.

31 Il avait décidé.
Ses décisions sont toujours
irrévocables.

32 Depuis
nul repos
ni répit.

33 Le tumulte partout.
Et lui, debout,
face à l’inconnu.

34 Sa tête plus haute
que l’horizon
et que le monde.

35 …et son ombre tiède sur l’humide
sable de l’île.

36 On ne comptera jamais les pas de
l’absence
et, cependant, os les entend
distinctement.

37 (…comme de sourds battements
dans le cœur ou dans la poitrine ;
comme, dans une langue morte, l’écho
captif de quelques proches vocables.)

38 Lui, illuminé,
et son féminin Ile.
Lui, sans but.
Elle, le but.

39 …l’habité, l’inhabité.
Voué à l’errance.

40 Il avait dit… mais juste un mot.
Inaudible. Douloureux.

41 Son féminin Ile l’a, aussitôt, perçu.

(Sans le percevoir tout à fait.
Comme on perçoit le retournement
d’un silence,
l’envers d’une pensée)

42 De ce qui fut, pourtant, dit,
l’effacement prématuré.
L’empreinte
condamnée.

Muette.

43 …où le regard n’a plus de prise
sur l’objet.

44 (De ce qui fut réellement dit
mais volontairement
brouillé
puis enseveli.)

45 Tombe est, aussi, l’île : vide tombe
où git ce qui, un matin ébloui,
fut à peine ébauché.

46 Déchirement du couple.
Fuite et fers :
le double rappel.

47 …une même détresse.

48 Ostensible volonté d’être,
de durer.
Avec le néant.

49 L’espérance entêtée.

50 Elle, immobile.
Lui, si étrangement mobile.

51 Jamais le silence
ne se réfère au silence.

Jamais l’aurore à l’aurore

52 Lui, ses pas dans les siècles.
Elle, fidèlement figée
dans l’instant.

53 (…au milieu d’un univers déchaîné,
rivée à son aire,
par ses lourdes chaînes
d’ombre et de lumière soudées.)

54 Jamais, à l’absence,
ne se réfère l’absence.

Jamais, au crépuscule, le crépuscule.

55 La démesure ne serait-elle que
mesure perdue, reconquise ?
Où elle n’est plus supportable,
elle se confond avec son ambition
inavouée.

56 Abusive prétention du geste ;
de la forme éprise d’elle-même.

Dans l’univers tant de murs
provocants
Et de portes interdites.

57 Au tréfonds de la mer,
algues à la dérive,
que de liens
défaits.

58 Lui, l’excès d’un pas décidé.
Elle, la vertigineuse origine,
le ventre.

59 Lui, le jamais dit.
Elle, le dire différé.

60 Ses mamelles encore gonflées de lait.
Femme dans la pérennité des sources
et des signes.

61 Il et son féminin Ile.
La rive et le large avertis.
Le phare inutile.

62 Nul retour envisagé,
possible.

63 (Il n’y aura jamais assez d’heures
pour venir à bout
de la mémoire.)

64 (…jamais un équipage de navire
pour affronter les flots de l’éternité,
par endroits en flammes.)

65 (Brisures d’un gigantesque miroir,
quel conséquent visage
oserait se pencher sur elles ?)

66 Le feu couvait son onde et l’eau
n’était plus que repères d’incendie ;
qu’opacité scandaleuse.

67 Par intermittence on voyait luire,
derrière les rideaux de fumée,
d’insolites poignards avides.

68 Blessures. Folie.

69 Ne pouvoir continuer
ni s’arrêter…

70 …ni redire.

71 N’avoir rien eu à dire
et avoir voulu l’exprimer.

72 Il ne disait rien
et son féminin Ile,
de temps en temps
tâtait, inquiète, le pouls du silence.

73 (Le ciel
au-dessous
de sa couleur ;
au-dessus
des étoiles et de l’obscurité
obsédantes.)

74 (Dépassée,
la pensée.)

75 Enfers des gouffres
et des cimes
au fil aventureux de la plume.

76 Par le feu,
combien de vierges feux
allumés !

77 Il brûlait vif
et son féminin Ile,
nue, parmi ses cendres
veillait, assise.

78 L’errance est le masque
jeté,
piétiné.

79 Le piège est le seuil
et le terme accordés.
Ô perpétuel commencement.

80 La main n’est jamais
innocente.

Le feuillet sacrifié.

Nessun commento: