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domenica 27 marzo 2011

Une jolie partie du chant 1 de Maldoror de Lautréamont

Au clair de la lune, près de la mer, dans les endroits
isolés de la campagne, l'on voit, plongé dans d'amères
réflexions, toutes les choses revêtir des formes jaunes,
indécises, fantastiques. L'ombre des arbres, tantôt vite,
tantôt lentement, court, vient, revient, par diverses formes,
en s'aplatissant, en se collant contre la terre. Dans le
temps, lorsque j'étais emporté sur les ailes de la jeunesse,
cela me faisait rêver, me paraissait étrange; maintenant, j'y
suis habitué. Le vent gémit à travers les feuilles ses notes
langoureuses, et le hibou chante sa grave complainte, qui
fait dresser les cheveux à ceux qui l'entendent. Alors, les
chiens, rendus furieux, brisent leurs chaînes, s'échappent
des fermes lointaines; ils courent dans la campagne, çà et
là, en proie à la folie. Tout à coup, ils s'arrêtent,
regardent de tous les côtés avec une inquiétude farouche,
l'oeil en feu; et, de même que les éléphants, avant de
mourir, jettent dans le désert un dernier regard au ciel,
élevant désespérément leur trompe, laissant leurs oreilles
inertes, de même les chiens laissent leurs oreilles inertes,
élèvent la tête, gonflent le cou terrible, et se mettent à
aboyer, tour à tour, soit comme un enfant qui crie de faim,
soit comme un chat blessé au ventre au-dessus d'un toit, soit
comme une femme qui va enfanter, soit comme un moribond
atteint de la peste à l'hôpital, soit comme une jeune fille
qui chante un air sublime, contre les étoiles au nord, contre
les étoiles à l'est, contre les étoiles au sud, contre les
étoiles à l'ouest; contre la lune; contre les montagnes,
semblables au loin à des roches géantes, gisantes dans
l'obscurité; contre l'air froid qu'ils aspirent à pleins
poumons, qui rend l'intérieur de leur narine, rouge, brûlant;
contre le silence de la nuit; contre les chouettes, dont le
vol oblique leur rase le museau, emportant un rat ou une
grenouille dans le bec, nourriture vivante, douce pour les
petits; contre les lièvres, qui disparaissent en un clin
d'oeil; contre le voleur, qui s'enfuit au galop de son cheval
après avoir commis un crime; contre les serpents, remuant
les bruyères, qui leur font trembler la peau, grincer les
dents; contre leurs propres aboiements, qui leur font peur à
eux-mêmes; contre les crapauds, qu'ils broient d'un coup sec
de mâchoire (pourquoi se sont-ils éloignés du marais?);
contre les arbres, dont les feuilles, mollement bercées, sont
autant de mystères qu'ils ne comprennent pas, qu'ils veulent
découvrir avec leurs yeux fixes, intelligents; contre les
araignées, suspendues entre leurs longues pattes, qui
grimpent sur les arbres pour se sauver; contre les corbeaux,
qui n'ont pas trouvé de quoi manger pendant la journée, et
qui s'en reviennent au gîte l'aile fatiguée; contre les
rochers du rivage; contre les feux, qui paraissent aux mats
des navires invisibles; contre le bruit sourd des vagues;
contre les grands poissons, qui, nageant, montrent leur dos
noir, puis s'enfoncent dans l'abîme; et contre l'homme qui

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